1.7.12

The Dorabella Code - Code anonyme


Date : A. – indication du temps où une lettre a été écrite, où un acte a été passé. B. −  (Par extension) Moment où un évènement a eu lieu ou doit avoir lieu, indication de cette époque. C. −  (uniquement en anglais) une liaison amoureuse (1885), puis un rendez-vous amoureux dans les années 1890.

L’usage veut que la date soit placée en haut à droite de la lettre.

Signature : A. − Action de signer. B. − Inscription de son nom, sous une forme particulière et reconnue, ou d'une marque spécifique, apposée par une personne sur un écrit afin d'en attester l'exactitude, d'en approuver le contenu et d'en assumer la responsabilité. C. − ARTS GRAPH. Repère (chiffre, lettre) placé au bas de la première page de chaque cahier d'un ouvrage permettant de les classer avant l'assemblage.

L’usage veut que la signature soit placée en bas de la lettre, centrée ou légèrement décalée à droite.


Alors que la trotteuse continuait son incessante révolution, la grande aiguille des minutes rentra en mouvement pour la trentième fois depuis qu’elle l’observait. Elle était arrivée devant la gare peu après 10 heures, et le cadran indiquait maintenant 10 heures et 31 minutes. Elle lui avait donné quinze minutes, pas une de plus. Elle sentie les larmes lui monter aux yeux et prit une profonde inspiration pour conserver son sang-froid. C’était fini. Tout ceci n’était qu’un rêve éveillé, ou plutôt un cauchemar. Le fruit de son imagination et de ses fantasmes. Elle vit un facteur passer et eut un bref sourire. Combien de ses lettres auraient le même effet sur leur destinataire que celle qu’elle avait reçue deux mois auparavant? Sa mère l’avait appelée :
« Dora chérie, Edward t’a glissé un petit mot dans le courrier de remerciement que nous avons reçu de la part d’Alice.



-Et tu l’as lu?
-Mais non ma chérie, et même si je l’avais fait, je n’aurais pas compris grand-chose. J’ai l’impression qu’Edward t’a envoyé une de ses devinettes pour faire fonctionner ton cerveau d’enfant.
-Donne-moi ça maman, je veux voir! »
La femme à qui s’adressait Dora n’était pas sa véritable mère, mais sa belle-mère. Sa mère était morte en Mélanésie, loin de sa fille restée en Angleterre pour son éducation. Le père de Dora, à son retour en Angleterre, avait alors rencontré Suzanne, dont la plus grande qualité était sans aucun doute de réussir à occuper dans le cœur de Dora la place laissée vacante par sa regrettée mère. Elles avaient vingt ans de différence mais elles se comportaient parfois comme des sœurs, ce qui avait le don d’agacer le père de Dora.
Elle s’empara du bout de papier tendu par Suzanne et se précipita dans sa chambre, avalant les marches quatre à quatre et manquant de renverser l’immense vase chinois que son père avait ramené de son périple asiatique.
Elle claqua la porte derrière elle, se jeta sur son lit et porta le minuscule bout de papier à ses lèvres. Ou plus précisément à ses narines. Aucune odeur particulière. Que pensait-elle ? Qu’il aurait aspergé de son après rasage un billet doux avant de le confier à sa femme pour qu’elle l’envoie à une autre femme?
Edward avait quitté la maison de la famille de Dora depuis une semaine, et ces sept longues journées lui avaient semblé une éternité. Elle n’avait plus d’appétit, dormait mal, et n’avait plus aucun goût à rien. Elle savait très bien de quel mal incurable elle souffrait. Comment elle, Dora Penny, 22 ans, fille de pasteur et bien éduquée, avait-elle pu tomber amoureuse du mari de la meilleure amie de sa mère, un homme de 20 ans son ainé et qui pourrait être son père?
Et pourtant, on ne pouvait pas dire que cela avait été le coup de foudre au premier regard. Les Elgar étaient arrivés chez eux le 30 juillet, pour une semaine. Elle avait prévu de partir à Brighton avec son amie Ellen, mais sa mère lui avait demandé de rester pour pouvoir s’occuper d’Edward, le mari d’Alice, pour que les deux amies d’enfance puissent passer du bon temps ensemble. Quelle corvée s’était-elle dit!
Mais Dora était d’un naturel enthousiaste, et elle avait un don pour toujours trouver le bon coté de la chose. Divertir un homme de cet âge allait lui permettre de faire un tas de choses que les bonnes convenances ne lui permettaient pas de faire. Elle avait toujours rêvé d’aller voir un match de football. Observer ces jeunes gens courir après un ballon devait être d’un excitant! Et l’ambiance dans le stade, avec tous ces hommes vociférant. La présence d’Edward allait ainsi lui permettre de s’amuser un peu.
Leur première rencontre avait été électrique. Elle jouait du piano, comme elle aimait le faire ces après-midi pluvieux, quand elle sentit soudain un parfum d’amande un peu alcoolisé. Elle commença à se retourner quand elle entendit une voix masculine lui dire “non non, ne vous interrompez pas ici, cela gâcherait tout!”. Connaissant bien son morceau et partageant l’avis de son interlocuteur elle s’exécuta jusqu’à la note finale.
“Bravo” lança alors son mystérieux auditeur.
Elle se retourna alors, un peu énervée, et lança :
« Ce ne sont pas des manières de gentleman de se glisser ainsi derrière une demoiselle et de l’effrayer de la sorte. A qui ai-je l’honneur?
-Veuillez, ma très chère, accepter les humbles excuses d’un rustre mélomane qui trouve que la plus grande des impolitesses est d’interrompre une virtuose quand elle est en pleine représentation. Je suis Edward  Elgar, l’auteur du morceau que vous venez de jouer si délicatement. »
Dora se sentit alors confuse, et remarqua qu’ils n’étaient pas tous seuls mais que toute cette scène était en train de se dérouler sous les regards amusés de sa mère et d’une femme qui devait certainement être Alice Elgar.
« Allons ma chérie, lui lança sa mère pour calmer la situation, si tu jouais à nos invités  cet autre morceau que tu aimes tant? »
Cette odeur d’amande envoutait les nuits de Dora. Elle avait fait le tour des parfumeries et drogueries mais elle n’avait pas trouvé de lotion ayant ce parfum. Edward avait dû ramener cela de France très certainement. Elle tendit alors les avant-bras devant elle, et déplia le billet.



Que cela signifiait-il? Edward lui avait écrit un message secret! Comme cela était excitant! Elle ferma les yeux. Tout pouvait être imaginé. Une folle lettre d’amour, des banalités pour la remercier du temps qu’elle lui avait consacré, une lettre de rupture….
Ils avaient parlé de message secret dès ce premier après-midi. Sa mère faisait visiter la maison à leurs invités, et quand ils passèrent devant sa chambre, Edward lui lança: « moi aussi je suis en Arcadie ». Elle avait une reproduction du tableau de Poussin sur son mur, les Bergers d’Arcadie, et Edward faisait référence à l’inscription latine sur le tombeau. « Et in arcadia Ego »

Il lui demanda ensuite si elle avait déjà entendu parler des messages cachés dans les peintures de Poussin. Dora n’en avait jamais eu mot et elle écouta avec intérêt le récit d’Edward. En une heure il avait réussi à lui parler du code des templiers, de la grille de Cardan, de la stéganographie des messagers égyptiens qui dissimulaient des messages dessinés sur leur crâne rasé et recouvert ensuite par les cheveux…
Elle avait toujours été attirée par les mathématiques et les récits d’aventures, et elle se demanda pourquoi elle ne s’était jamais intéressée à la cryptologie. Edward lui avait dit qu’avant de s’attaquer à un décryptage, il était nécessaire de bien analyser le message dans son ensemble, afin de ne pas passer à côté d’informations utiles et faciles à obtenir. Le nombre de symboles utilisés, le nombre de caractères, leur répartition…
Dora identifia vite que sous ces apparences complexes, le message codé n’était constitué que de symboles plutôt simples. Un, deux ou trois demi-cercles auxquels on faisait subir une rotation, comme sur une rose des vents. Elle prit un papier et un crayon et représenta alors les différents symboles. Puis elle les classa en trois catégories.

Symboles du Dorabella Code - catégorie I
Symboles du Dorabella Code - catégorie II
Symboles du Dorabella Code - catégorie III

Elle avait réparti les symboles sur trois croix à huit branches, comme des roses des vents. Elle avait ainsi un ensemble de 24 symboles possibles, dont seulement 17 étaient utilisés dans le message qu’Edward lui avait concocté. 24, cela lui rappela le code des templiers où l’alphabet était ramené à 24 ou 25 lettres, selon les versions. Edward lui avait dit qu’en regroupant U-V et I-J ensemble, notre alphabet pouvait être réduit à 24 lettres. Elle redessina alors les différentes figures qu’Edward lui avait montrées sur le code des moines chevaliers:

Code des templiers

6 groupes de 4 symboles chez les templiers, 3 groupes de 8 symboles dans son message. La méthodologie était donnée. Ce code n’était en fait qu’un vulgaire code de substitution, inspiré des templiers ! La répartition des lettres dans le code des templiers se faisaient en suivant des motifs logiques et simples.



Avant de continuer, elle décida de numéroter les symboles, de façon à ne plus devoir les manipuler. Elle commença sa numérotation par le symbole C, à qui elle donna la valeur 1, puis elle numérota toute la catégorie I, dans le sens des aiguilles d’une montre, de 1 à 8. 




Elle fit alors de même pour la catégorie II, attribuant les numéros 9 à 16,  et elle distribua les nombres de 17 à 24 à la catégorie III, en partant toujours du symbole situe sur la branche Est de sa rose des vents.






Le message codé pouvait alors être transformé en une suite de nombres, où chaque nombre représentait un des symboles :

9
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1
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7
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4
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6
2
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3
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Elle n’avait encore rien décodé, mais cette simple mise en forme du message initial commençait à lui apporter de précieux renseignements. Tout d’abord, elle avait eu l’impression que les trois lignes du message comportaient le même nombre de caractères, de par leur alignement en bout de ligne. Transformé en suite numérique, elle se rendit immédiatement compte qu’il n’en était rien. Ce détail pouvait être sans aucune importance, mais elle le nota néanmoins sur son carnet afin d’être sûre de ne pas l’oublier.
Elle eut la confirmation qu’elle était sur une bonne piste lorsqu'elle découvrit l'alignement de trois "8". L'alphabet avait 24 symboles, il y avait 3 lignes, et ces trois "8" étaient alignés dans la colonne...24!

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Si elle numérotait les colonnes, en partant de la gauche, la colonne 24 avait la particularité d'avoir ses trois symboles numérotés 8. Cela la conforta dans sa piste ainsi que dans la numérotation qu'elle avait choisie. Elle n'était pas vraiment une experte des probabilités mais il lui semblait que trouver trois symboles identiques dans une même colonne était quelque chose d'assez improbable. Elle compta les occurrences du symbole "8" dans tout le message. Il y'en avait six. Elle se focalisa alors sur les 25 premières colonnes, les seules ayant trois lignes, et pour chaque colonne elle estima la probabilité d'avoir trois "8". Elle avait 6 chances sur 87 de tirer un "8" sur la première ligne de la première colonne. Ensuite, 5 chances sur 86 pour que le symbole "8" soit sur la deuxième ligne de cette même colonne, et enfin 4 chances sur 85 pour que le symbole "8" soit également sur la troisième ligne de cette colonne. Ce qui donnait 120 chances sur 87*86*85. Si elle prenait en compte le fait qu'elle avait 25 colonnes, elle devait pouvoir multiplier cette probabilité par 25, au moins pour obtenir un ordre de grandeur. L'estimation qu'elle obtenait alors était de (120*25)/(87*86*85), soit à peu près 0.5%. Elle avait 0.5% de chance d'avoir un alignement de trois "8" dans ce message, de manière aléatoire. Elle avait donc 99.5% de chance que cet alignement identifié ne soit pas aléatoire. Un code avec 24 symboles, similaire au code des templiers, la 24ème colonne qui contient trois "8" qui donnent un total de "24". 24 semblait être un élément clé pour attaquer le problème. De la même manière qu'elle avait sommé les trois "8", elle décida de calculer le total de chaque colonne.

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30
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52
35
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24
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30
18
22


Trois colonnes donnaient un total de "24". Elle regarda ces colonnes de plus près. Elle somma alors les nombres de ces trois colonnes, par ligne:

2+8+3 = 13
11+8+4 = 23
11+8+17 = 36
Un résultat plutôt intéressant, car 13+23=36, et 36 était la moitié de 72, 3 fois 24. Elle sentait une harmonie dans ces nombres, et elle entérina définitivement son choix de système de numérotation.

Le problème maintenant était de bien repartir les lettres. Ces roses des vents lui rappelaient leur promenade à Malvern Hills, où ils avaient admiré la table d’orientation au sommet de Worcestershire Beacon. 


Cette carte était unique et splendide et avait été installée quelques semaines auparavant, pour célébrer le jubilée de Diamant de la reine Victoria.
Elle fit quelques tentatives. Elle essaya d'abord d'associer au symbole 1 la lettre A, au symbole 2 la lettre B, etc...Mais cela ne donnait rien de concret. Puis elle essaya de répartir les lettres selon certains schémas ou directions, mais elle sentait qu’il lui manquait quelque chose. Elle savait qu’Edward ne laissait jamais rien au hasard, et il avait forcément du lui donner la clef d’une manière ou d’une autre.

Elle reprit le bout de papier entre ces doigts et l’observa à nouveau. Elle regarda la signature du message, qu'elle avait complètement négligée jusque-là. 


                                  July 14 97 - 14 Juillet 97

Edward lui avait expliqué que souvent les informations les plus dures à trouver étaient celles qui étaient juste devant vous, en clair. Cette date n’était pas à la bonne place. Cette date était à la place de la signature. Cette date était-elle la signature du code?

Normalement, la date aurait du être en haut. Et en signature, elle aurait du trouver quelque chose comme « Edward » ou « Elgar » ou « E.E ». Elle prit une loupe afin de mieux voir cette signature. Quelque chose l’intriguait.


à suivre...



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